Rencontre avec Nick Bodoin, un artiste qui a pour objectif de susciter l’émotion. Il explore le portrait de manière non conventionnelle et brouille les frontières entre la peinture et la sculpture.
QCLTUR: Comment en es-tu venu à mélanger peinture et bois?
Nick Bodoin: J’ai étudié en graphisme puis en ébénisterie, design de meubles avant de me lancer à temps plein dans l’art. J’aime beaucoup travailler la matière. Quand je faisais de la peinture, je trouvais qu’il manquait quelque chose pour me sentir accompli dans mon univers.
Et quand j’ai quitté mon métier d’ébéniste pour faire de l’art à cent pour cent, j’ai amené le côté manuel. Le travail de la matière que j’ai toujours aimé. J’ai ainsi transposé ça dans ma démarche artistique.
Depuis que je suis vraiment jeune, j’ai tout le temps peint des portraits. Je ne sais pas expliquer pourquoi mais depuis que j’ai 3 ans je dessine des personnages. J’ai tout le temps dessiné des gens plus que d’autres choses. Cela a juste continué à évoluer. À un moment donné, je me suis dit que je voulais continuer à faire du portrait mais je ne voulais pas faire des portraits comme tout le monde. Je me suis demandé quelle approche je voulais avoir et c’est là que de mon apprentissage du bois est venu cette nouvelle technique qui est de la peinture sur bois découpé avec des superpositions.
QCLTUR: As-tu compris avec le temps pourquoi cette obsession avec les visages?
Nick Bodoin: J’ai réalisé que les visages surtout les yeux c’est l’idée de la connexion mais aussi tout l’échange d’information qu’il y a quand tu regardes quelqu’un. À quel point dans la vie, il y beaucoup de trucs, beaucoup de forces dans la nature mais finalement la force la plus intense que j’ai ressentie c’est clairement dans les yeux. Que ce soit la connexion, la confrontation, les émotions que tu vois quand tu regardes quelqu’un dans les yeux, ils sont en train de te dire quelque chose. C’est la chose la plus puissante qui existe je crois, regarder dans les yeux et échanger cette énergie là. J’essaie de transposer cela dans mes œuvres pour vraiment venir capturer cette essence de la vie, l’émotion, la connexion. Quand tu regardes une de mes créations, t’as pas juste l’impression de regarder une toile. Tu regardes quelque chose qui est en vie.
QCLTUR: Est-ce des personnes que tu as déjà croisées ou elles sont inventées?
Nick Bodoin: C’est un mélange de tout. Il y a des gens que je connais. Il y en a, ce sont juste des images trouvées de différentes sources. Les références, cela peut être n’importe qui. L’idée c’est que peu importe qui tu as devant toi, tu dois ressentir cette intensité là. C’est plus l’idée générale de la connexion humaine qu’une personne précise. Surtout dans mes nouvelles œuvres qui sont un peu cachées où on ne sait pas vraiment qui c’est. Tu n’as pas besoin de le savoir. C’est l’universalité de faire face à quelqu’un.
QCLTUR: Comment est née la deuxième galerie L’Original sur Saint Denis?
Nick Bodoin: Je travaillais déjà avec Dorian (fondateur de L’Original) en tant qu’artiste. On faisait un bon travail d’équipe. Et un jour il me dit j’ai vu un local de fou à louer si tu veux venir le visiter, on peut peut-être faire quelque chose. Il avait l’idée d’ouvrir une seconde galerie éventuellement. Étant assez spontané, j’ai dit c’est cool, pourquoi pas vu mes compétences en design, meubles et construction.
On a travaillé fort sur ce beau projet l’an passé. Je suis fier où c’est rendu maintenant. Côté gestion, je me suis fait remplacer par quelqu’un, parce que j’ai réalisé que c’était deux carrières ultra intenses: gérer une galerie et être artiste professionnel. Tu ne peux pas avoir un des deux sur le côté. Il faut être à cent pour cent dans l’un ou l’autre. Je continue de travailler dans les deux galeries, sur Saint Denis et au Vieux port en tant qu’artiste. Je reste dans mon rôle de créateur.
Mais c’est une aventure incroyable. Quand tu es artiste, tu as besoin que ton univers aille avec la galerie. Ce qui est cool avec l’Original, c’est que la galerie de Saint Denis où je suis exposé, je l’ai conçue. Le plus insolite avec ce lieu, c’est que les œuvres passent de la création à l’exposition dans un même endroit.
QCLTUR: As-tu un studio dans cette galerie?
Nick Bodoin: Je l’avais. Je suis parti à New-York donc je l’ai comme abandonné. Maintenant, d’autres artistes l’occupent. J’ai un studio à la maison.
QCLTUR: Comment était New-York?
Nick Bodoin: J’y suis allé pour trois mois, tout l’hiver en fait. Durant cette résidence, j’ai tellement créé. Ce qui était bien c’est que le matériel était payé. Tu te sens plus libre. T’y vas, t’essaies des trucs. On apprend à ne pas avoir peur de se lancer, de tester. Cela permet de pousser tes limites. Quand c’est ton argent parfois tu n’as pas trop de budget alors tu es plus limité dans les essais.
À New-York, l’engouement est là mais il faut être sur place plus souvent ou commencer à avoir un nom à Montréal pour créer un lien. J’ai rencontré des galeristes de Jersey city, ville voisine de La grosse pomme. Du coup, je vais y faire une exposition en septembre. C’est comme le premier pas vers le marché américain.
QCLTUR: Es-tu en train de préparer des œuvres exclusives?
Nick Bodoin: Cela va surement être un mix entre œuvres existantes et nouvelles. Cela va dépendre de ce qui se vend ici et s’il y a des pièces qui fonctionnent avec là-bas. C’est sûr que je vais passer l’été à créer. Donc je vais avoir plein de contenu frais.
QCLTUR: Quelle est la dernière technique que tu utilises?
Nick Bodoin: Avant je faisais vraiment des visages avec les cheveux, des formes avec des silhouettes non carrées. Puis, j’ai commencé à faire une nouvelle série de visages cachés dans des carrés. Maintenant, je vais vers le 3D. J’ai rajouté des superpositions, des formes et des épaisseurs. J’élargis ma palette de couleurs. Je recherche toujours les possibilités de ce qui peut se faire. C’est tellement malléable. C’est ça qui est super à explorer.
J’ai déjà travaillé aussi avec du plexiglas. J’ai aimé ça. Cet été, je risque de créer quelques pièces en bois et plexiglas.
QCLTUR: Où peut-on apprécier ton art?
Nick Bodoin: Le 1er juin il y a le vernissage à l’Original au 163, Saint Paul Ouest. En septembre, l’exposition à Jersey city dans l’État de New-York. Et qui sait où 2024 va me mener?! Peut-être en Chine…