Signé sur le label de Manu Militari Grande plume, Sael vient de franchir une autre étape de sa carrière musicale avec la sortie de Madeleine de Proust. Il nous a fait l’honneur d’ailleurs de répondre à quelques questions pour l’occasion. Retour sur un projet chirurgical.
Derrière l’artiste musical Sael se cache le journaliste et documentariste Raed Hammoud, connu pour son regard affûté sur les réalités sociales. Avec Madeleine de Proust, il transpose cette sensibilité dans une œuvre musicale introspective, qui mêle sonorités modernes et récits poétiques tout en explorant la mémoire et les émotions universelles.
1. La thématique : une plongée dans la mémoire
Sael s’inspire du concept proustien de la réminiscence involontaire, où un simple stimulus (comme la madeleine trempée dans du thé chez Proust) ravive des souvenirs enfouis. Cette idée se reflète dans l’album à travers une approche introspective et nostalgique, où chaque morceau semble convoquer un souvenir ou une émotion marquante.
Sa “madeleine de Proust” est un souvenir lié aux beignets typiques d’Afrique de l’Ouest, les farimasas que l’on retrouve notamment au Niger. Avec un ami sur Montréal, il en goûte à nouveau et voilà qu’il revit des souvenirs d’enfance oubliés. Bien qu’il n’ait pas pensé au projet à ce moment-là, cela a déclenché une inspiration qui l’a poussé à écrire le texte quelques jours après. Ces beignets sont devenus le catalyseur créatif pour son travail.
2. La production musicale : un voyage sonore
Madeleine de Proust mélange des sonorités actuelles (trap, R&B) avec des influences plus traditionnelles ou organiques. Cette juxtaposition fonctionne bien pour évoquer le passage entre le passé et le présent. D’ailleurs, il a fait appel à des chirurgiens de la prod comme Neomaestro, Gary Wide,…
Coup de coeur pour le son Caféo pour lequel il a fait confiance à Benny Adam. Un morceau où il a dû lâcher prise, venir les mains dans les poches et partir d’une session studio sans chanson préétablie. Le mix oriental et ambiance brésilienne est irrésistible.
Autre invitée de choix, Tessita. Sa voix angélique couplée à la prod ensoleillée composée par Real Mind et Pops à la guitare vous emmène instantanément sous les cocotiers.
À noter la qualité de production qui renforce l’agréable expérience d’écoute! Et nulle autre que Nk.F, l’homme aux multiples récompenses de platine, de diamant (PNL, Angèle, Damso, Booba, Gazo,…), qui s’est occupé de l’enregistrement, l’arrangement, le mixage et le mastering.
3. L’interprétation et l’écriture : entre émotion et sincérité
Sael livre des performances vocales empreintes d’émotion, souvent soutenues par des textes poétiques qui capturent des instants fugaces ou des réflexions profondes. Dans cet exercice, il a su aussi s’entourer de pointures comme Imposs (qu’on ne présente plus) ou Coby qui n’a pas peur de dire les choses telles qu’elles sont.
Les textes, sincères et émotionnels, sont comme des fragments de vie. Le morceau NRJ, par exemple, incarne bien l’énergie et la dualité entre introspection et dynamisme du projet.
Pour l’artiste, la création de son œuvre, c’est une affaire de famille. Il échange beaucoup avec ses proches, avec des personnes comme Manu (Militari), Coby, Nk.F, et son équipe. Nk.F l’a notamment aidé à perfectionner l’expression de ses morceaux. À la première séance studio, il a dû rapper a capella pendant 30 à 35 minutes les couplets pour affiner son interprétation et ainsi améliorer la précision de chaque syllabe et de chaque respiration. Cette approche, il l’applique dorénavant à ses émissions pour renforcer sa technique vocale et son expression. L’interprétation est vraiment une vocation à part. Sael ne craint pas d’apprendre.
En somme, Madeleine de Proust est un projet audacieux. Il témoigne de l’évolution de la maturité artistique de Sael et de sa capacité à créer un univers singulier. Avec le temps, il a appris à peaufiner chaque aspect de son travail, de l’interprétation à la production, en prenant conscience de l’importance de l’après-création, comme le choix des visuels et la commercialisation. Et parce que l’apprentissage c’est l’histoire d’une vie, il a déjà un nouveau défi en tête. Celui de sortir un projet acoustique guitare-piano-voix de six ou sept morceaux. Un exercice qu’il adore!
Crédits photos: Mohamed Aitouyahia et Guillaume Beaudoin