Boni en entrevue

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Artiste de la nouvelle génération, Boni n’est pas un novice dans la musique. Commençant très jeune, il a su développer un style singulier qui fait de lui un être à part.

QCLTUR: Quel est ton parcours?
Boni: À 18 ans, je suis partie de Paris pour faire des études de musique et de mathématiques à Montréal. Puis j’ai bougé à Los Angeles où je n’ai fait que de la musique. Et je suis revenu à Montréal. C’est à ce moment là que j’ai su que je voulais faire que de la musique notamment grâce aux rencontres que j’ai faites. 
Là je suis retourné à Paris mais je ne sais pas encore si je vais rester. J’aimerais repartir à Los Angeles. Je pense que je vais revenir sur Montréal parce que j’ai laissé plein de gens avec qui je veux travailler.
QCLTUR: Comment en es-tu venu à la musique?
Boni: J’ai commencé à 6 ans en vrai, à jouer du violon au Conservatoire. J’ai une formation théorique classique. À la fin du collège (école secondaire), vers 13-14 ans, mes potes commençaient à faire du rap, je me suis dit que j’allais commencer à faire des instrus. De fil en aiguille, j’ai incorporé d’autres styles de musique. Une fois que j’ai pris suffisamment confiance en moi, j’ai rappé, chanté un peu. Du coup, cela fait 20 ans que je fais de la musique.
QCLTUR: Tu es très productif jusqu’à sortir plusieurs projets en même temps?
Boni: Justement j’ai un peu des échos contraires là-dessus. Certains me disent que c’est hyper bien et qu’il faut que je continue. Et d’autres me disent qu’ils ne comprennent rien parce que ça part dans tous les sens. Après je suis vraiment tout le temps tout le temps en train de produire. Alors, je sors un peu tout ce que je fais même si ce n’est pas forcément hyper cohérent.
QCLTUR: C’est une forme de direction artistique quelque part?
Boni: C’est ça le truc. Et c’est aussi comment dire, autour de moi je suis entouré de musiciens et de gens qui font du son et là on est à la période, à l’âge où on se pose une question est-ce qu’on veut être dans un label ou pas. Ceux qui veulent être dans un label, c’est important de se mettre dans une case et de se définir en tant que rappeur soit ça soit ça. Même en terme de visuel, de vraiment choisir une direction. J’essaie de prendre le contrepied et de faire juste tout. Il y a des gens qui vont raisonner avec une partie de mon travail d’autres avec une autre partie. 
QCLTUR: Une démarche un peu punk?
Boni: Oui finalement oui. 
QCLTUR: Et tu travailles avec ta maman (Elene Usdin), artiste?
Boni: Elle est peintre et photographe. Elle fait pas mal mes visuels. En ce moment, on bosse sur une bande dessinée. On a écrit le scénario ensemble et je vais faire une bande sonore pour accompagner le projet. Sinon, on a toujours travaillé ensemble. Quand j’avais 14 ans, elle faisait de la pub. Alors, je faisais de la musique de pub avec elle. Cela fait longtemps que je collabore avec.
QCLTUR: Cela fait quoi d’être un enfant d’artistes?
Boni: C’est intéressant. Je t’ai dit que j’avais fait des études de math au départ. En fait, la raison pour laquelle j’ai choisi cette matière, c’était pour me différencier de ça. Mon père est photographe aussi. Tous leurs potes, c’est vraiment le milieu parisien de l’art. Je crois que j’avais envie de me détacher de cela pour finalement réaliser que c’est un peu en moi aussi que je le veuille ou non.
Clairement, c’est une chance. Aussi parce que j’ai des modèles. Quand j’étais enfant, ma mère galèrait grave et elle a eu du succès beaucoup plus tard. Du coup, y’a ce truc que ça va marcher si je m’accroche. Ils voient que je bosse, que je suis vraiment à fond. Et c’est cool d’avoir des parents qui soutiennent mon projet artistique.
QCLTUR: Parle-nous de tes collaborations avec les québécois
Boni: Skrewface et Spike Gonzo, je les connais depuis super longtemps, depuis que je suis arrivé à Montréal. Ce sont mes vrais potos. On fait de la musique ensemble depuis un bout. Skrewface au départ, il ne faisait que des prods et s’est assumé en tant que rappeur que très récemment finalement. On avait un appart, on était coloc avec d’autres musiciens Whothashawty, Cloudka$t qui fait les prods de Skrewface, No Ur, G8apo et Santanafive. Et on a ouvert un studio chez nous. Au début, on s’est dit qu’on allait ouvrir un studio pour gagner de la tune. Finalement, on est devenu pote avec tous les gens qui venaient. Du coup, on n’a pas fait d’argent mais on a vraiment connecté avec tous les rappeurs cool de la ville. On a pas mal travaillé avec G8apo, No Ur, Santanafive qui sont super chauds. Il y a aussi Amki. C’est chouette parce qu’au départ je n’étais pas trop dans le rap et cela m’a permis de collaborer avec des rappeurs.
Montréal, c’est une super ville pour commencer j’ai l’impression. Ce n’est pas encore trop cher par rapport à d’autres villes et il y a plein de gens qui produisent. C’est cool.
QCLTUR: Tu penses que pour grossir, il faut partir de Montréal?
Boni: C’est le cas de beaucoup d’artistes. Idéalement, il faudrait que les gens restent à Montréal. J’ai l’impression qu’il y a comme un plafond de verre. Et je dis ça mais ça me fait de la peine de le dire. J’adore cette ville. En même temps, tous les gens que j’ai cités sont à Montréal, à part Spike Gonzo qui est revenu en France avec moi. Les autres bossent de fou et j’ai le sentiment qu’il peut se passer un truc. Les personnes que j’ai citées peuvent briser ce plafond.
QCLTUR: Tes 2 derniers projets?
Boni: Oiseaux tristes c’est un projet instrumental et P*ssy Redbull c’était plus des chansons, c’est plus personnel. 
QCLTUR: Tu fais tout tout seul?
Boni: Je dirais que je produis 95% des instrus. Mais depuis quelques mois, j’essaie de bosser plus avec les gens. Avant, je voulais trop tout faire moi-même. C’est cool d’être autonome, mixer, etc. Mais là plus ça va plus je me dis que c’est dommage de ne pas profiter des personnes talentueuses qui m’entourent.
Sur P*ssy Redbull, il y a une instru de Doucet. 
QCLTUR: Qu’est-ce qui s’en vient?
Boni: J’ai envie de me concentrer sur le live. J’ai toujours été un mec de studio et je suis assez à l’aise dans ça. Mais là je veux faire des shows à fond. Sinon, je suis en train de monter un groupe avec Spike Gonzo, mon ami avec qui je bosse le mieux. Cela va être plus rock presque punk. J’ai envie de m’éloigner un peu du rap. Je suis en train de réaliser que les gens ont envie de faire la fête, de danser. Donc l’objectif, faire des sons qui peuvent se jouer en concert. Et je travaille toujours étroitement avec ma directrice artistique, Solea Coquin.
QCLTUR: Présentement, ton style peut être compliqué en live avec toutes les variations?
Boni: Complètement. J’ai fait un concert la semaine dernière à Paris organisé par Mathiasrlt et Entropy. Franchement, c’était cool mais c’est vrai que maintenant j’aimerais avoir des morceaux simples, avec quatres instruments que je puisse les jouer en concert et faire une tournée. 
De l’autre côté, je fais pas mal de musique de pub, de documentaire, de trucs comme ça. La prochaine étape serait la musique de film.
QCLTUR: Quelle est la différence entre créer pour une commande publicitaire et pour soi-même?
Boni: J’adore faire de la musique pour l’image parce que je suis quelqu’un qui aime être dans sa bulle quand je travaille. La musique de pub me permet d’être vraiment dans ça, dans ma zone à fond. Après il y a des contraintes, je ne peux pas être libre à 100% sur ce que je fais. C’est intéressant de travailler dans ce contexte. Cette situation peut m’emmener vers des choses que je n’ai pas l’habitude de faire donc c’est bien. Mais des fois, je n’ai pas du tout la même vision que le réalisateur et au final c’est lui qui a le dernier mot. 
Je vais d’ailleurs commencer à faire la musique d’un documentaire sur un artiste montréalais, Timothée Born.
QCLTUR: Ce n’est pas compliqué créer sous la contrainte?
Boni: Je le vois comme un exercice. Quand il y a une réelle différence avec le réal, je me dis que cela va me forcer à faire de nouvelles choses. J’apprends en essayant d’autres trucs. C’est important de ne pas rentrer dans un confort. J’imagine qu’il y a des musiciens qui ont ce problème là. Ils trouvent un truc qui marche et il le décline. Je n’ai pas envie d’être comme ça. Je veux évoluer.
QCLTUR: T’es de ceux qui pensent que rester dans sa zone de confort, c’est ce qui tue?
Boni: Personnellement, cela me tuerait. Après je pense totalement qu’il n’y a pas un modèle de vie. C’est aussi très subjectif. Il y a des gens qui vont avoir une routine et vont être heureux là dedans. C’est génial. Leur vie ne sera pas moins bien que celui qui a fait le tour du monde vingt fois. De mon côté, si je rentre dans une routine je ne me sens pas bien. J’ai l’impression que lorsque je commence à avoir une routine, il y a un truc  inconscient en moi qui me rend anxieux et qui me donne envie de tout chambouler. Ce qui n’est pas hyper stable.
QCLTUR: Si t’avais un conseil pour sortir de sa zone de confort?
Boni: Changer de pays. C’est flippant mais faut se lancer.
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